Article écrit par Équipe Marketing
Comment éviter la requalification d’un indépendant en salarié en Suisse ?
Faire appel à des travailleurs indépendants est une pratique de plus en plus courante en Suisse, notamment dans les PME, les ONG ou les entreprises en pleine transformation digitale. Ce mode de collaboration apporte une souplesse précieuse, permettant de renforcer ses équipes rapidement et sans engagement à long terme.
Mais cette flexibilité n’est pas sans risque. En cas de mauvaise structuration de la relation de travail, les autorités peuvent considérer qu’il ne s’agit pas d’un mandat d’indépendant, mais d’un contrat de travail dissimulé. La conséquence ? Une requalification du statut d’indépendant en salarié, avec des impacts lourds sur le plan juridique, fiscal et social.
Dans cet article, nous vous expliquons comment éviter ce piège, en identifiant les critères clés et en adoptant les bons réflexes contractuels et opérationnels.
Le fond du problème : une question de lien de subordination
Contrairement à une idée répandue, ce n’est pas le type de contrat qui détermine la nature de la relation de travail, mais la réalité de l’exécution de la mission. C’est ce que rappelle régulièrement le SECO (Secrétariat d’État à l’économie).
Même si un prestataire travaille sous le statut d’indépendant, les autorités peuvent conclure à un lien de subordination et donc à une relation de type salarié si certains indices sont réunis.
Quels sont les critères analysés par les autorités ?
Le SECO précise qu’une personne est considérée comme indépendante si elle :
-
Travaille à son propre compte
-
Assume le risque économique lié à son activité
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Organise librement son travail
-
Dispose de plusieurs clients et d’une structure propre (entreprise individuelle, SARL…)
-
Est affiliée aux assurances sociales en tant qu’indépendant
À l’inverse, si la personne :
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Est intégrée dans l’organisation de l’entreprise
-
Suit des consignes détaillées
-
Travaille dans les locaux de l’entreprise
-
Se conforme à des horaires fixes
-
Utilise le matériel fourni par l’entreprise
… alors les indices penchent vers un lien de subordination, et donc vers une relation salariée.
Le lien de subordination : un signal juridique fort
Le lien de subordination constitue l’élément déterminant dans toute décision de requalification. Il se manifeste par l’existence d’un contrôle hiérarchique sur la manière dont le travail est effectué.
Ce lien est généralement caractérisé lorsque :
- L’entreprise impose un lieu et/ou des horaires de travail
- Le prestataire reçoit des instructions fréquentes ou détaillées
- Il rend compte de son travail à un responsable hiérarchique
- Il utilise du matériel mis à disposition (ordinateur, badge, logiciels internes…)
- Il est assimilé à un collaborateur interne (e-mail, accès intranet, inclusion dans les réunions d’équipe)
Ce lien peut s’installer de manière progressive, informelle, mais il constitue l’indicateur principal utilisé par les autorités pour conclure à une relation de travail salarié.
Cas concret : le développeur “freelance”
Imaginons qu’une entreprise recrute un développeur web indépendant pour un renfort de quelques mois dans son équipe IT. Au départ, tout semble en règle : un contrat de mandat est signé, le prestataire travaille depuis chez lui et facture ses jours d’intervention.
Mais progressivement, la situation évolue :
- Le développeur est présent quotidiennement dans les locaux de l’entreprise
- Il participe à toutes les réunions internes
- Il suit un planning défini par le responsable technique
- Il utilise un ordinateur de l’entreprise
- Il ne travaille plus que pour ce client, sur une longue durée
À ce stade, la relation de travail ressemble à celle d’un salarié. En cas de contrôle, les autorités pourraient décider de requalifier la mission en contrat de travail, avec les conséquences associées.
Pourquoi la requalification indépendant salarié Suisse est-elle un risque réel ?
Conséquences financières
- Paiement rétroactif des charges sociales : AVS, LPP, AC (part employeur + part salarié)
- Cotisations dues sur plusieurs années, avec intérêts
- Sanctions potentielles en cas de travail dissimulé
Conséquences juridiques
- Risque de contentieux avec le prestataire (congés non payés, indemnités, préavis…)
- Droit à la protection contre le licenciement
- Demande de reconnaissance de l’ancienneté
Conséquences réputationnelles
- Perte de confiance des partenaires
- Impact sur l’image, notamment dans les secteurs réglementés ou sensibles
Ces conséquences peuvent s’étaler sur plusieurs années et peser lourdement sur la stabilité d’une entreprise.
Les bons réflexes pour éviter toute confusion
Pour sécuriser vos collaborations avec des indépendants, voici les bonnes pratiques à adopter :
1. Rédiger un contrat de mission clair et structuré
Le contrat doit être rédigé avec rigueur et cohérence avec le statut d’indépendant. Il convient d’éviter les termes associés au salariat (poste, horaires, supérieur, salaire) et de privilégier :
- Des objectifs de mission et des livrables définis
- Une logique de facturation (à l’acte, à l’heure, au jour)
- Des modalités d’intervention librement choisies par le prestataire
2. Préserver l’autonomie du prestataire
Un indépendant doit conserver une liberté d’organisation totale. Cela implique :
- De ne pas lui imposer de lieu ou d’horaires de travail
- De ne pas lui fournir de matériel ou d’outils internes
- De ne pas l’intégrer dans les processus internes de l’entreprise (réunions, planning, e-mails professionnels)
3. Favoriser la pluriactivité
Un prestataire qui travaille pour plusieurs clients est clairement identifiable comme indépendant. Cela limite le risque de dépendance économique, souvent pointée du doigt par les autorités.
4. Vérifier la conformité sociale du prestataire
Avant toute collaboration, assurez-vous que le prestataire est en règle :
- Affiliation AVS en tant qu’indépendant
- Capacité à émettre des factures officielles
- Statut juridique (entreprise individuelle, société)
5. Éviter toute dépendance exclusive prolongée
Plus la mission dure, et plus le prestataire devient économiquement dépendant de l’entreprise. Une mission exclusive de longue durée peut être interprétée comme une relation de travail salariale déguisée.
En conclusion : tout se joue dans l’exécution
Un contrat bien rédigé est important, mais insuffisant. Ce sont les conditions réelles de la collaboration qui déterminent si une mission relève du travail indépendant ou d’une relation de travail salarié. Avec en ligne rouge à ne surtout pas franchir, le lien de subordination.
Dans un monde du travail de plus en plus hybride, il devient essentiel de maîtriser ces nuances pour protéger à la fois l’entreprise et les collaborateurs. Mieux vaut anticiper et structurer correctement la relation que de corriger un problème a posteriori. Nos experts vous aident à clarifier vos pratiques, sécuriser vos contrats et anticiper les évolutions réglementaires.